La pêche et l'intendance

Dans une île isolée, loin du grand continent,
Deux variétés d'oiseaux se partageaient le ciel.
En bonne intelligence, en ignorant le fiel,
Ils protégeaient leurs oeufs contre tous les serpents

Serpents de terre, de mer ou serpents monétaires,
Le peuple des sommets se nourrissait à terre
Quand celui des rivages gagnait sa vie en mer,
Et tous étaient heureux tant étaient solidaires.

Dans cette société, tout était partagé.
Le peuple des sommets assumait l'intendance
Quand celui des rivages assurait la pitance,
Et le confort de tous était bien protégé.

Comme leur rayon d'action était très limité,
Les oiseaux des sommets étaient toujours groupés
Et agissaient selon des tâches bien découpées,
Mais leur travail pour tous était très réputé.

Sur le grand océan où s'en allaient pêcher,
Les oiseaux des rivages étaient plus dispersés,
Aux aléas du temps étaient très exposés,
Mais trouvaient le salaire qu'étaient partis chercher.

Au fil du temps passant, c'est toujours la même chose,
L'intendance produisit toujours plus de besoins,
Pour assumer sa tâche, plus était bien le moins,
Il fallait recruter pour rendre la vie plus rose.

Aux pêcheurs du grand large, on lança des concours,
Rejoignez l'intendance, la vie y est plus sûre,
Vous pourrez y bâtir la plus belle des masures
Et donner à vos proches le bonheur au long cours.

C'est ainsi qu'aux sommets, l'effectif progressa,
Des jeunes et des plus vieux séduits par ce discours
Trouvèrent à l'intendance les plus beaux des atours,
Et à l'effort de pêche, leur intérêt cessa.

A force de prélever toujours dans sa besace,
Le peuple des rivages, on vit découragé,
Et les plus travailleurs, on fit même enrager,
Si bien que décidèrent d'abandonner la place.

Les moins aventureux choisirent l'intendance,
Se disant qu'après tout, ils avaient bien le droit
De profiter aussi de ce meilleur endroit
Qui leur accorderait de bien meilleures chances.

Mais les plus courageux et les plus téméraires,
Au-delà des flots bleus se mirent à regarder,
Contre le dépouillement, pour être mieux gardés
Et de leur avenir enfin dépositaires.

Les oiseaux des sommets, ainsi multiplièrent,
Quant à ceux des rivages, ils se firent moins nombreux,
Plus rien à partager ne fit pas des heureux,
S'en vinrent à regretter le bon temps de naguère.

Dans une île isolée, niant le continent,
Deux variétés d'oiseaux se disputaient le miel.
Chacune avait pour l'autre une quantité de fiel
Et protégeait ses oeufs contre tous les dépens.

Dépens de terre, de mer ou dépens monétaires,
Le peuple des sommets pillait celui de mer,
Quand celui des rivages voulait gagner la terre,
Et à se faire confiance, tous étaient réfractaires.

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