La couronne africaine

Au loin, la côte d'Afrique s'étale sous les nuages
Comme la crête dentelée d'un serpent d'un autre âge
Dont le dos est vert bronze, le ventre couleur du sable
Sur lequel viennent mourir des moutons sans étable.
Il semble sommeiller, écrasé de chaleur,
Tandis que dans ses flancs, tenaillés par la peur,
Des hommes essayent de vivre sans rien que la misère
Compagne de tous les jours, seule maîtresse de ces terres.
Sur la flaque de plomb, océan qui la baigne,
Flotte une carcasse jaune qui couronne le règne
De cet or qu'on dit noir, qui fait tourner le monde,
Qui dévore les plages et qui irise l'onde,
Richesse convoitée mais jamais partagée
Avec ceux du pays que l'on a saccagé.
Tandis que dans la brousse, des enfants orphelins
Victimes d'une guerre qui tue tous ses témoins
Se nourrissent de singe mort porteur de l'Ebola
En rêvant de trouver une bouteille de cola,
Un immense pétrolier venu de l'Occident
Se dessine dans la brume tel un bateau géant
Avançant en aveugle au milieu des filets
Que de pauvres piroguiers ont fini de caler
Et contemplent horrifiés se faire déchiqueter
Par les hélices battantes qu'ils ne peuvent arrêter.
Le monstre aux murs d'acier, arrogant, sûr de soi,
Méprise ces ignorants qui n'ont même plus de roi,
Personne pour les défendre, ignorants des contrats
Qui vendent toutes leurs richesses à de plus grands Etats.
Comme un ogre affamé, il vient emplir son ventre
De cette huile fossile qui forme l'épicentre
De toute l'économie du monde occidental
Pour qui toute pénurie pourrait être fatale.
A la bouée couronne, symbole de son pouvoir,
Qui balance à la houle et marque son territoire,
Un cordon nourricier attend qu'il s'en saisisse
Pour vider dans ses cales gonflées aux bénéfices
Les milliers de barils de ce liquide précieux
Qui iront fructifier sous de plus lointains cieux.

Copyright Jacques R. Verpeaux (Eucalion) © Droits de reproduction et de diffusion réservés - Ecrire : jacques@verpeaux.net