Quand on s'est rencontré

La première fois que l'on s'est rencontré,
C'est pas pour rien que l'on s'est détesté.
Il était beau, il avait tout pour plaire,
Comme mannequin, j'pouvais pas faire carrière,
Son seul sourire faisait craquer les filles,
Avec moi elles n'aimaient pas jouer aux billes,
Si aux dames, il pouvait faire illusion,
Aux jeux d'échecs, je lui damais le pion,
Et s'il pouvait étaler son physique
Aux jeux d'esprit, je lui faisais la nique.

La deuxième fois que l'on s'est rencontré,
C'est pas pour rien que l'on s'est apprécié.
Auprès des filles, je'faisais pas concurrence
Il pouvait être le meilleur à la danse,
Au fond de la classe près du radiateur,
C'est pas moi qui aurais pu lui faire peur,
J'pouvais sans crainte étaler mon savoir,
Il aurait pas pu se payer ma poire,
Et quand le prof me citait en exemple,
Il pouvait pas me disputer ce temple.

La troisième fois que l'on s'est rencontré,
C'est pas pour rien que l'on s'est associé.
Quand une fille avait cessé d'lui plaire,
Je pouvais bien arranger cette affaire,
Il était libre d'en conquérir une autre,
Avec la première, j'étais bon apôtre,
Si dans ma tire, il voulait faire un tour
Et que mézigue je voulais faire l'amour,
On était prêt à faire tous les échanges,
Car l'un comme l'autre, on n'était pas des anges.

La dixième fois que l'on s'est rencontré,
C'est pas pour rien que l'on s'est enivré.
D'une superbe fille, il était amoureux
A toutes les autres il voulait dire adieu,
Au grand oral, j'avais fini premier
Et m'apprêtais à faire une grande entrée,
L'adolescence venait de nous plaquer,
Pour l'enterrer, fallait bien une virée,
Dans tous les bars, on a fait les comptoirs,
De nos cent coups, c'était le dernier soir.

La dernière fois que l'on s'est rencontré,
C'est pas pour rien que l'on s'est tabassé.
Dans un poker, il avait tout misé,
Sûr de gagner quand c'était moi qui jouais,
Sa femme, son chien et même sa Ferrari,
Il savait pas que j'étais un bandit,
Au bon moment j'ai abattu quatre as,
J'avais toujours voulu être à sa place,
Mais grand seigneur, je lui ai pas tout pris,
Seulement la femme, avec la Ferrari.

Copyright Jacques R. Verpeaux (Eucalion)© Droits de reproduction et de diffusion réservés - Ecrire : jacques@verpeaux.net